Le poème de la semaine (11/09/2013)
Philipe Jaccottet
Dis encore cela patiemment, plus patiemmentou avec fureur, mais dis encore,en défi aux bourreaux, dis cela, essaie,sous l'étrivière du temps. Espère encore que le dernier cridu fuyard avant de s'abattre soit tel,n'étant pas entendu, étant faible, inutile,qu'il échappe, au moins lui sinon sa nuque,à l'espace où la balle de la mort ne dévie jamais,et par une autre oreille que la terre grande ouvertesoit recueilli, plus haut, non pas plus haut,ailleurs, pas même ailleurs: soit recueillipeut-être plus bas, comme une eauqui s'enfonce dans la poussière du jardin,comme le sang qui se disperse, fourvoyé,dans l'inconnu. Dernière chance pour toute victime sans nom:qu'il y ait, non pas au-delà des collinesou des nuages, non pas au-dessus du cielni derrière les beaux yeux clairs, ni cachédans les seins nus, mais on ne sait commentmêlé au monde que nous traversons,qu'il y ait, imprégnant ses moindres parcelles,de cela que la voix ne peut nommer, de celaque rien ne mesure, afin qu'encoreil soit possible d'aimer la lumièreou seulement de la comprendre,ou simplement, encore, de la voirelle, comme la terre la recueille,et non pas rien que sa trace de cendre. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
07:09 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |