Au bar à Jules - De la xénophobie (16/10/2012)
Un abécédaire: X comme Xénophobie
Ma lecture du jour est signée Carlos Fuentes:
Je crois dans les questions qui sont celles d'un pacte fraternel entouré d'abîmes: Est-il possible qu'il n'existe pas d'autre voix qui ne soit également la mienne? Est-il possible qu'il n'y ait pas un autre temps que je puisse toucher et qui puisse me toucher? N'existe-t-il pas d'autres croyances, d'autres histoires, d'autres rêves, et ne sont-ils pas aussi les miens?
Les cultures s'influencent réciproquement. Elles s'anémient dans l'isolement, et prospèrent dans la communication. En tant que citoyens, hommes et femmes de deux villages - le global et le local -, il nous incombe de défier les préjugés, de faire reculer nos limites, d'accroître notre capacité à donner et à recevoir, ainsi que l'intelligence de ce qui nous est étranger. Rappelons-nous, au seuil de ce nouveau siècle, que l'histoire n'est pas terminée. L'histoire est toujours inaboutie. Et la leçon de notre humanité inachevée est que, chaque fois que nous excluons, nous nous appauvrissons; chaque fois que nous incluons, nous nous enrichissons. Aurons-nous le temps de découvrir, de toucher, de nommer tous ces semblables que nos bras peuvent enserrer? Nul ne trouvera sa propre humanité s'il ne la reconnaît, d'abord, dans les autres.
Et - histoire d'enfoncer le clou dans ma perception occidentale du monde - Carlos Fuentes me rappelle que, au cours des cinq cents dernières années, l'Occident a voyagé au Sud comme en Orient, en imposant sa volonté politique et économique aux cultures de la périphérie, sans demander la permission de personne. Maintenant, ces cultures exploitées reviennent en Occident et mettent à l'épreuve les valeurs que celle-ci a proposées sur un mode universel: liberté de mouvement, liberté de marche fondée non seulement sur l'offre et la demande, mais sur la mobilité de la main d'oeuvre, et respect des droits de l'homme, à commencer par le droit du travail.
Bien sûr, Carlos Fuentes n'offre pas une réponse clef en main à toutes les questions que je me pose. Néanmoins, il me fournit un cadre indispensable au sein duquel il m'est possible de poser une première pierre, de repartir à zéro ou presque, de modifier l'angle de mon regard sans toutefois démentir - en profondeur - ce que je crois.
Nous sommes soumis à l'épreuve de l'autre. Nous regardons, mais nous sommes aussi regardés. Nous vivons dans une constante rencontre avec ce que nous ne sommes pas, avec le différent. Nous découvrons que seule une identité morte est une identité figée. Nous sommes tous en perpétuel devenir, dit encore Carlos Fuentes.
... que cela nous plaise ou non!
Carlos Fuentes, Xénophobie, dans: Ce que je crois (Grasset, 2003)
image: poesie.tableau-noir.net
17:17 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | | Imprimer | Facebook |