Le poème de la semaine (21/03/2012)
Edmond Jabès
Je ne cesserai pasde chanter les cloches des rencontres muettes,les bras des divans parfumés,les grandes chutes d'oiseaux ressemblants,les éternels miroirs vibrants. Je ne cesserai pasde chanter la morsure rouge des lèvres,l'épaule insoumise, les aisselles surprises,les seins toujours à l'heureaux rendez-vous nocturnes. Je ne cesserai pasde chanter ton visage poudré de cendre,le dernier naufrageà l'aube soufflée des lampes,ta nuque échappée à l'étreinte,tes pas que rien ne trahit. Je ne cesserai pasde chanter tes hanches profondes,tes chevilles noyées dans les nuages,tant de pensées vagabondes,tant de fumée divine. Je ne cesserai pasde chanter ta chevelure couranteaux pieds des arbres solitairesblessés de feuilles et d'oeillères. Je ne cesserai pasde chanter la rue, le parc, la mer, car je te connais,car je t'aime et te connais. Je ne cesserai pasd'apprendre à rire,à peindre et riredans le fond des palais;car je te crains,car je t'aime et te crains. Je ne cesserai pasde forger des serrures,des cadenas et des ceinturestout au long du ciel,car je te garde,car je t'aime et te garde. Je ne cesserai pasde couper tes mains, tes bras et tes poingspour que jamais l'adieune remonte sur l'eau. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:11 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
Commentaires
"je ne cesserai pas" ... qu'elle est belle cette lettre, oui j'imagine que c'est une lettre à une femme avec un crescendo depuis le premier couplet ... et ce passage à la divinité, aimée et crainte, cette affirmation "je te garde".
Merci,"la scie rêveuse", jusqu'ici j'ai trouvé Jabès "difficile", cette lettre me ferait changer
Écrit par : gilda nataf | 21/03/2012