La citation du jour (03/03/2015)

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Colette

A l'écart des êtres qui, remplis à la hâte de moi, me laissent creuse, et la joie tirée, loin des pléthoriques, pires, de qui j'ai tôt fait de repousser l'indigeste apport, s'élargit une zone où je m'ébats avec mes pairs. J'en ai un peu plus que je n'espérais. Ils émergent de la plus funeste jeunesse, la deuxième. Ils perdent leur sérieux, et acquièrent une notion juste de ce qui est guérissable, à commencer par l'amour. Ils administrent ingénieusement, chaque jour, l'espace compris entre une aube et l'aube suivante, et sont aventureux en esprit. Ils aperçoivent, comme moi, ce qu'il y a de pernicieux dans le travail quotidien, et ils ne rient pas quand je leur cite la boutade d'un grand journaliste qui mourut jeune et sur sa tâche: L'homme n'est pas fait pour travailler et la preuve c'est que ça le fatigue. Pour tout dire, ils sont frivoles, comme furent cent héros. Ils sont laborieusement devenus frivoles. Et ils secrètent au jour le jour leur propre morale, ce qui me les rend plus intelligibles encore, et les colore diversement.

Colette, Le pur et l'impur (coll. Livre de poche/LGF, 2004)

00:02 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |