Christian Bobin (27/05/2011)
Bloc-Notes, 27 mai / Les Saules
Le fond bleuté des yeux des vagabonds commence à geler. L'argent serre les mâchoires. Le monde est une plaque de plâtre qui se décolle d'un mur: ce qui apparaît dessous est d'une dureté de fer. Ne resteront bientôt de tendres que les nuages, les fleurs et quelques visages de loups - de ces visages que la main manucurée de l'argent n'a pas encore nettoyés, qui gardent la parure d'une sauvagerie divine.
Ainsi s'ouvre le champ des méditations à travers lesquelles Christian Bobin, au gré de ses promenades, visites ou recueillements, laisse librement courir sa plume. A la beauté de la nature, des arts, des rencontres, il nous tend un miroir: celui de son étonnement, de la grâce de moments furtifs et inoubliables qui, chez lui, prennent tout leur sens dans une spiritualité souriante. Trop souriante, me direz-vous? Parfois, peut-être, mais qu'elle dispense de la chaleur dans cet âge du mépris, de la surdité et de l'acier!
Parmi les perles de son récit, on peut relever celle-ci: Chaque jour est une lutte avec l'ange des ténèbres, celui qui plaque ses mains glacées sur nos yeux pour nous empêcher de voir notre gloire cachée dans notre misère. Ou encore: Le rouge-gorge trouvé mort devant la porte du garage retient sous son duvet la chaleur des jours heureux. Dieu est un assassin blanc comme neige.
Enfin, les amoureux de la musique reconnaîtront en lui un frère quand il nous dit que Jean-Sébastien Bach a dans son dos une clé en or qu'il tourne plusieurs fois par jour.
Paru peu de temps après Carnet du soleil, Un assassin blanc comme neige n'est sans doute pas son meilleur livre. Pourtant, ne serait-ce que pour quelques escarbilles glanées au fil de ses rêveries, votre journée n'aura pas été vaine en son amicale compagnie...
Christian Bobin, Un assassin blanc comme neige (Gallimard, 2011)
Christian Bobin, Carnet du soleil (Lettres vives, 2011)
04:54 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récit; livres | | Imprimer | Facebook |
Commentaires
C'est mon libraire qui dans ce quartier là, les Chartrons, dans ces années là, 90, m'a fait découvrir Christian Bobin avec le "Huitième jour de la semaine". Il demeure aujourd'hui dans mon coeur, le premier et le dernier... Bobin me fait du bien, il parle de tout ce qui m'importe: la vie, la mort, l'amour, les livres et puis les choses, et son écriture est émouvante, et les images des tableaux et l'odeur des mots, et l'élégance de la phrase.."Les livres aimés sont des rayons de miel fauve, de miel brun. Leurs pages sont venues comme ça d'un seul coup. C'est l'auteur, c'est personne. Les manches retroussées jusqu'aux coudes, il a plongé son bras dans la ruche éternelle." J'aime le miel des forêts de C.Bobin, je ne suis pas loin là, de mon attachement à un autre auteur proche: J.M.Maulpoix...
Écrit par : Kass | 28/05/2011