Le poème de la semaine (19/01/2011)

Guillaume Apollinaire


 
Si je mourais là-bas sur le front de l'armée

    Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée

    Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt

    Un obus éclatant sur le front de l'armée

    Un bel obus semblable aux mimosas en fleur


    Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace

    Couvrirait de mon sang le monde tout entier

    La mer les monts les vals et l'étoile qui passe

    Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace

    Comme font les fruits d'or autour de Baratier


    Souvenir oublié vivant dans toutes choses

    Je rougirais le bout de tes jolis seins roses

    Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants

    Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses

    Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants


    Le fatal giclement de mon sang sur le monde

    Donnerait au soleil plus de vive clarté

    Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde

    Un amour inouï descendrait sur le monde

    L'amant serait plus fort dans ton corps écarté


    Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie

    - Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie

    De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -

    Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur

    Et sois la plus heureuse étant la plus jolie


    O mon unique amour et ma grande folie

 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06:26 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |