Les pièces de Shakespeare - 5a (16/10/2010)
Le songe d'une nuit d'été
Nous sommes à Athènes, dans la forêt d'Ardenne. Alors que le peuple se prépare à fêter le mariage du roi Thésée et d'Hippolyte, deux couples de jeunes amants - Lysander et Hermia, Demetrius et Helena- sont, eux aussi, promis au mariage, mais tout se complique, car le père d'Hermia, Egée, veut unir cette dernière à Demetrius, or ce dernier est follement épris d'Helena. Devant ce chassé-croisé amoureux sans issue, Lysander et Hermia s'enfuient dans la forêt, suivis par Demetrius et Helena.
Mais cette forêt n'est pas inhabitée. Ils vont y croiser une troupe de théâtre, conduite par Bottom, qui prépare une pièce en l'honneur du mariage de Thésée et d'Hippolyte. Et vont intervenir les esprits de la forêt et des elfes, Titania et Oberon, qui ne cessent de se quereller. Oberon demande à Puck, un lutin malicieux et un brin farceur, de susciter l'amour d'Helena envers Demetrius. Il utilise un filtre d'amour sur Lysander, qui tombera amoureux de la première personne qu'il verra au réveil. Or, quand il ouvre les yeux, qui voit-il? Hermia... Quant à Titania, elle tombe amoureuse de Bottom, affublé - par Puck - d'un bonnet d'âne! A la fin de la pièce, Oberon somme Puck de faire en sorte que tout rentre dans l'ordre. Les mariages pourront être célébrés, unissant Lysandra à Hermia et Demetrius à Helena. Tout est bien qui finit bien!
Le songe d'une nuit d'été est un divertissement qui, avec beaucoup de charme et de truculence, célèbre l'amour, la fantaisie et la conquête de l'être aimé autant que le rêve, l'inspiration ou la maladresse qui l'expriment. Si Puck est un coquin, que dire de Shakespeare? Car il effleure du doigt - pas davantage: la pièce est une romance, voire une comédie - la constance des sentiments qu'un peu de magie suffit à ébranler, tels les serments prononcés, pour un temps plus ou moins long relégués dans les replis cachés de la mémoire.
Probablement l'une des pièces de Shakespeare les plus agréables à lire, Le songe d'une nuit d'été est un des plus poétiques apologies de l'amour, avec suffisamment de tension dramatique pour échapper à la niaiserie ou la fadeur. La destinée de nos tourtereaux dans les bois aurait pu connaître un épilogue moins heureux, fruit du désir, de la jalousie et de la violence sous-entendue tout au long de la pièce, si l'auteur l'avait ainsi voulu. Si Lysander et Demetrius avaient succombé à la même flamme, Hermia... Mais il n'en est rien, rassurez-vous!
Mieux que dans aucune autre de ses oeuvres - même Hamlet ou Un conte d'hiver - Shakespeare exalte ici le théâtre dans le théâtre, nous réservant quelques jeux de scène parmi les plus drôles qui soient, tels la scène du mur - Acte V, Scène I - lors de la représentation des acteurs en l'honneur du roi.
En ces temps souvent - trop - gouvernés par les accents de la raison ou d'une froide réalité inapte à susciter le sentiment du bonheur possible, qu'il est délicieux de se laisser emporter sur les ailes de l'imagination de Shakespeare et de rêver, ne serait-ce qu'un instant, d'être coiffé d'un bonnet d'âne, pour l'unique et fugitif baiser reçu de la reine des elfes, la troublante Titania!
Si nous, ombres, vous avons offensés, pensez alors qu'ici vous n'avez fait que sommeiller lorsque ces visions vous apparaissaient. Et ce thème faible et vain, qui ne crée guère qu'un rêve, gentils spectateurs, ne le blâmez pas. Pardon, nous ferons mieux la prochaine fois...
traduit par Michel Déprats (édition bilingue: coll. Folio Théatre, Gallimard, 2003)
08:29 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | | Imprimer | Facebook |