Le poème de la semaine (20/10/2010)
André Gide
Elle tourna les yeux vers les naissantes étoiles.
Je connais tous leurs noms, dit-elle:
chacune en a plusieurs;
elles ont des vertus différentes.
Leur marche, qui nous paraît calme, est rapide et les rend brûlantes.
Leur inquiète ardeur est cause de la violence de leur course,
et leur splendeur en est l’effet.
Une intime volonté les pousse et les dirige;
un zèle exquis les brûle et les consume;
c’est pour cela qu’elles sont radieuses et belles.
Elles se tiennent l’une à l’autre toutes attachées,
par des liens qui sont des vertus et des forces,
de sorte que l’une dépend de l’autre et que l’autre dépend de toutes.
La route de chacune est tracée et chacune trouve sa route.
Elle ne saurait en changer sans en distraire aucune autre,
chacune étant de chaque autre occupée.
Et chacune choisit sa route selon qu’elle devait la suivre;
ce qu’elle doit, il faut qu’elle le veuille,
et cette route, qui nous paraît fatale,
est à chacune la route préférée,
chacune étant de volonté parfaite.
Un amour ébloui les guide;
leur choix fixe les lois, et nous dépendons d’elles;
nous ne pouvons pas nous sauver.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
03:37 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
Commentaires
Aussi bien, avez-vous été touché par un "soulier de satin" à la margelle d'une fenêtre, aussi bien je suis touchée ce matin par ce poème de Gide. Il y a dans nos vies des constellations qui induisent cette part d'inéluctable destinée et cela confère à notre voyage beauté et poésie. Merci Claude.
Écrit par : Reladelo | 20/10/2010