La citation du jour (19/09/2010)

Christian Bobin

bobin.jpg

Un homme arrive au paradis. Il demande à un ange de lui montrer le chemin qu'ont dessiné ses pas su terre. Par curiosité. Par enfantin désir de voir et de savoir. Rien de plus simple, dit l'ange, allez vers cette fenêtre et regardez. L'homme approche son visage de la vitre et contemple la trace de ses pas sur la terre, depuis son enfance jusqu'à son dernier souffle. Quelque chose l'étonne: parfois il n'y a plus de traces. Parfois le chemin s'interrompt et ne reprend que bien plus loin. Ces absences, dit l'ange, correspondent à ces jours où votre vie était trop lourde pour que vous puissiez la porter. Je vous prenais donc dans mes bras, jusqu'au jour suivant, où la joie vous revenait et vos forces avec elle. Si je dispose cette fable au seuil de ce livre, c'est que je n'ai jamais écrit qu'ainsi: porté par plus léger que moi, dans les bras - non pas de l'ange - mais de la vie passante, de l'étincelante rumeur de vivre. 

Christian Bobin, La vie passante (Fata Morgana, 1990)

 

00:06 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |