Les pièces de Shakespeare - 3a (06/04/2010)

La tragédie de Coriolan

William Shakespeare.jpg

Caius Marcius est un héros. Il vient de conquérir la ville de Corioli aux mains des Volsques – ce qui lui vaudra le surnom de Coriolan - et rentre avec tous les honneurs à Rome. Il a presque tout pour savourer  sa victoire: Il est intègre, courageux, incorruptible, près de ses frères d’armes, mais chaque homme n’a-t-il pas son point faible? A la faveur de circonstances particulièrement favorables, sa mère l’exhorte à se porter candidat pour le titre de consul. Il se présente à deux reprises devant le peuple qui redoute son autoritarisme et sa tyrannie. Non seulement il ne sera pas élu, mais ses insultes  adressées au peuple, sous le coup de la colère, lui vaudront d’être banni.

Il se réfugie alors chez ceux qu'il a combattus - les Volsques - et avec son ennemi juré Aufidius, dresse une armée dont il prend le commandement afin de mettre Rome à feu et à sang, devant tant d’ingratitude et d’injustice, selon lui. Après l’intervention de son épouse Virgilia et celle de son fils Marcus, il renonce à mettre son projet sanguinaire à exécution et revient auprès des Volsques avec un traité qui leur est favorable. Mais chez eux aussi, la popularité de Coriolan fait de l’ombre. Ainsi, accusé de trahison, il sera assassiné par les partisans d’Aufidius.

La tragédie de Coriolan est probablement la pièce politique la plus achevée de Shakespeare et conserve toute sa modernité. Ainsi, son ego surdimensionné, orgueilleux jusqu’à la démesure altérant parfois son jugement, ne l’a-t-on pas redécouvert sous d’autres traits, chez certains candidats malheureux de la cinquième république ? Peu féru de diplomatie, défenseur de l’aristocratie, le mépris affiché par Caius Marcius envers le peuple jugé infantile, malléable, peu instruit, changeant – aujourd’hui, on jugerait poliment son attitude condescendante – ne réveille-t-il pas le souvenir d’hommes (ou de femmes) politiques actuels ayant raté par une semblable attitude, la dernière marche pour accéder au pouvoir suprême ?

Aux prises avec une époque changeante qui baigne dans un climat désabusé où le meilleur – espéré - n’est plus à la portée des classes dirigeantes, l’incapacité de Coriolan à envisager l’avenir avec d’autres règles ou d’autres lois, plus démocratiques peut-être, ne traduit-elle pas le désarroi grandissant des politiques de ce siècle face à un monde en mutation qui les dépasse?

Enfin, par soif de vengeance, l’alliance de Coriolan avec son pire ennemi Aufidius, à une douloureuse époque pour le grand nombre d’entre nous, a suscité une vive polémique, voire l'interdictions de programmer cette pièce de théâtre. Sous le régime de Vichy, pour être plus précis.

Quand je vous dit que la thématique shakespearienne est universelle, parfois dérangeante ...

traduit par Jean-Michel Desprat (édition bilingue: Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 2008)

 

00:03 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |