Le poème de la semaine (07/04/2010)

Philippe Jaccottet


Rose, soudain comme une rose

apparue à la saison froide.


Il n'y a pas de neige,

mais beaucoup d'eau vaillante dans les roches

et des violettes en plein sentier.


De l'eau verte à cause de l'herbe.


Rose, portière de l'année.


Comme la rose furtive à la joue,

la neige qui s'efface avant de toucher le sol,

bienfaisante.


Cette combe verte, sans fleurs et sans oiseaux,

suspendue,

cette espèce de terrasse verte,

au-dessus de laquelle passent les nuages rapides

surgis comme des troupeaux

du gouffre invisible et froid creusé derrière,

ces pâturages où il n'y a plus de bétail depuis longtemps.


Dans la lumière brillante

qui, à contre-jour, s'embrume,

cette sorte d'hamac d'herbe,

l'air vif dans les hauteurs et doux près du sol,

la bergerie d'ivoire usé comme une lampe

restée allumée en plein jour,

comme la lune, justement,

que l'on devine, le sein laiteux.


Allez encore vers ces lacs de montagne,

qui sont comme des prés changés en émeraudes.

Peut-être n'y boira-t-on plus,

peut-être est-ce pour cela qu'on les voit maintenant.

Il y a des émeraudes dans la montagne

comme on y croise des bêtes fuyantes.

Et le printemps est poussière lumineuse.


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:39 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |