Une journée particulière (13/01/2010)

Bloc-Notes, 13 janvier / Cologny

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Comme dans le film mythique de Georges Lautner, Les tontons flingueurs, je fais sans doute partie de ces étourdis qui ont oublié de lire l’horoscope du jour. A six heures du matin, j’attends donc sous la neige mon bus qui, comme la Madeleinede Jacques Brel, ne vient pas ! Puis, quinze minutes plus tard, le voilà qui arrive : Alléluia ! Joie de bien courte durée, car au moment d’amorcer la côte entre Cologny et Frontenex, il se trouve contraint de croiser avec un bus venu en sens inverse, ce qui n’était pas prévu. Quelques brefs hoquets de moteur, accompagnés par les commentaires avertis de certains passagers – vous n’y arriverez pas !– et plouf : Le silence. Ca se gâte… Le chauffeur apparemment rompu à ce genre de blagues, s’entretient brièvement avec une tête pensante des TPG qui confirme que les deux véhicules ne peuvent ni avancer, ni reculer. Il faut une dépanneuse, et pas n’importe laquelle.

 

A gauche, moins d’un mètre nous sépare de l’autre bus. A droite – côté portes de sorties - nous sommes à moins d’un mètre aussi, mais d’un mur de cinq mètres! Faits comme des rats ! Tout zen pour le commun des mortels, la tempête gronde dans mes cellules, l’angoisse monte, le rythme cardiaque s’accélère, ma claustrophobie aussi… Que faire ? Dans pareil cas, j’ai pris l’habitude – dans les tunnels par exemple – de compter les cailloux pour occuper mon esprit, mais il n’y en a pas dans cette situation inédite.

 

Alors, la mort dans l’âme, je sors de ma besace le roman que je viens d’achever, Les âmes sœurs de Valérie Zenatti, dont je vous parlerai demain. J’en relis un très beau passage où l’une des deux héroïnes – Lila Kovner – décrit son ami Malik : Il avait un corps souple, un corps de danseur. Il souriait souvent, sans raison particulière, c’était comme des guillemets au début et à la fin des phrases, ses yeux se mettaient à briller, son visage s’ouvrait. J’avais l’impression que son sourire se faufilait en ondulant dans mon corps comme une liane toute douce, se blottissait dans mon ventre et le fécondait pour donner naissance à mon propre sourire.

 

Et soudain, dans un souffle, la porte arrière s’ouvre et, les uns derrière les autres, nous pouvons quitter le plateau des catastrophes. Miracle ! La neige ne cesse de tourbillonner comme dans un Noël de légende, entraînant une température douce, une impression de légéreté féérique. Toutes les voies sont fermées à la circulation. J’allume une cigarette avant d’entreprendre une marche allègre, de l’église de Cologny au Centre Ville - un exercice salutaire pour les fumeurs! - soulagé de réaliser que Valérie Zenatti a remplacé avantageusement le Temesta des heures sombres, que son livre est une merveille et que je voudrais réfléchir la qualité de son regard pour imprégner la surface des êtres ou des choses qui peuplent mon propre quotidien.

 

Avec un peu de recul sur les événements, cette aventure inhabituelle a bousculé avec bonheur mes habitudes et somme toute, aurait pu annoncer une bien belle journée. Malheureusement, non! Alors, suivez mon conseil: parfois il vaut mieux se lever tard, le plus tard possible...

 

Valérie Zenatti, Les âmes soeurs (Editions de l'Olivier, 2010) 

23:55 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bloc-notes; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |