Lire les classiques - Charles Baudelaire (29/06/2015)
Charles Baudelaire
Il faut être toujours ivre, tout est là; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.
Charles Baudelaire, Enivrez-vous, dans: Le spleen de Paris, Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1961)
Henri de Toulouse-Lautrec, La toilette, 1889 (artdreamguide.com)
07:56 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; prose; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
Commentaires
Voilà un livre qui est toujours près de moi...
Écrit par : josette | 08/02/2013
Un bon poème en prose de Baudelaire. Etre toujours ivre de vin, de poésie ou de vertu... A nous de choisir... Et dans le texte il y a les mots qu'il ne peut éviter: "demandez à tout ce qui fuit " on voit là sa hantise du temps qui fuit quand même, mais n'y pensez pas, "demandez à tout ce qui fuit "... Etre anesthésié par la pensée toujours en éveil, pour fuir, fuir le destin de l'homme
Écrit par : ATTUEL Josette | 08/02/2013