Le poème de la semaine (12/10/2011)
Saint-John Perse
Car tu nous reviendras, présence! au premier vent du soir, Dans ta substance et dans ta chairet dans ton poids de mer, ô glaise!dans ta couleur de pierre d'étable et de dolmen, ô Mer!parmi les hommes engendrés et leurs contrées de chênes rouvres,toi Mer de force et de labeur.Mer au parfum d'entrailles femelles et de phosphore,dans les grands fouets claquants du rapt!Mer saisissable au feu des plus beaux actes de l'esprit! ...(Quand les barbares sont à la Cour pour un très bref séjour,l'union avec les filles de serfs rehausse-t-elle d'un si haut tonle tumulte du sang? ...) "Guide-moi, plaisir, sur les chemins de haute mer;au frémissement de toute brise où s'alerte l'instant,comme l'oiseau vêtu de son vêtement d'ailes ...Je vais, je suis un chemin d'ailes,où la tristesse elle-même n'est plus qu'aile ...Le beau pays natal est à reconquérir, le beau pays du Roi,qu'il n'a revu depuis l'enfance,et sa défense est dans mon chant.Commande, ô fifre, l'action, et cette grâce encore d'un amourqui ne nous mette en mains que les glaives de joie! ... " Et vous, qu'êtes-vous donc, ô Sages! pour nous réprimander,ô Sages?Si la fortune de mer nourrit encore, en sa saison,au grand poème hors de raison, m'en refuserez-vous l'accès?Terre de ma seigneurie, et que j'y entre, moi!n'ayant nulle honte à mon plaisir ..."Ah! qu'un scribe s'approche et je lui dicterai ..."Et qui donc, né de l'homme,se tiendrait sans offense aux côtés de ma joie? - Ceux-là qui, de naissance,tiennent leur connaissance au-dessus du savoir. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
01:44 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (3) | | Imprimer | Facebook |
Commentaires
Quelle somptuosité incantatoire, je ne connais rien de comparable dans la littérature française. Il est nécessaire de lire, de dire ces strophes souventes fois pour parvenir, pour plonger en leur coeur minéral qui révèlera leur sens, dans toutes les acceptions du terme. Merci, Claude, de propager le lyrisme étourdissant de ce barde raffiné et puissant.
Écrit par : Jean-Pierre Oberli | 12/10/2011
"Car tu nous reviendras, présence! au premier vent du soir,"...
merci Claude
Écrit par : gilda nataf | 12/10/2011
" je vais,je suis un chemin d'aile/où la tristesse elle même n'est plus qu'elle. "...
C'est magnifique que d'évoquer un poème de St John Perse (Alexis léger Léger) c'est un joyau dans votre écrin Claude, et qui m'émeut personnellement, car cet auteur fût choisi par ma fille pour son mémoire...
"Ceux-là qui de naissance, tiennent leur connaissance au dessus du savoir. "
Écrit par : ATTUEL Josette | 18/10/2011