La chronique du libraire (31/10/2005)

L'éternelle jeunesse du coeur

 

Ma rencontre avec le monde du livre n’a pas commencé comme un conte de fées, car, aussi loin qu’il m’en souvienne, j’aspirais à… ne rien faire ! En désespoir de cause, mes parents m’ont orienté vers le métier de libraire, car j’étais attiré par la littérature. Mais après avoir été le cauchemar de ma famille, je devins celui de mon premier patron – un penchant accentué pour la contestation et la vie nocturne ! – bien patient quand j’y pense, avec le recul du temps. Très vite, au contact de certains libraires exceptionnels, dévorés par ce métier, j’ai réalisé à quel point il m’était impossible, dans une autre activité, de développer autant ma soif de découvrir, de transmettre, d’échanger des connaissances, des émotions ou des idées. Jamais depuis je n’ai regretté d’avoir choisi la librairie, baignant aujourd’hui comme hier dans une ambiance marquée par des personnalités sensibles, d’une pensée souvent originale et indépendante.

 

Véritable fenêtre ouverte sur le monde, le livre m’aura appris, au fil des années, l’art des nuances : Qu’un titre qui connaît le succès n’est pas nécessairement un mauvais livre ; qu’une vente conséquente n’est pas uniquement une opération commerciale ; que « qualité » peut aussi rimer avec « légèreté » ! Musique intérieure plus forte que tous les bruits du monde, la passion de l’écrit m’aura souvent, tel un ami cher, sauvé du découragement, de l’inertie ou de l’ennui, source d’émerveillement constamment renouvelée. Quotidienne remise en question des acquis, le métier de libraire est bien le contraire de l’uniformité. A lui seul, il est, pour qui sait l’entendre, le meilleur garant de la jeunesse du cœur. 

 

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05:10 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |