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20/04/2015

La citation du jour

Stéphane Audeguy

citations; livres

Décidément, je n'en finirai pas de mourir. J'apprends à mes dépens que l'agonie d'une ville rappelle de bien près celle des héros d'un opéra lyrique, qui se lamentent sans fin sur une scène vide, en se tordant les mains. Je ressemble à mes statues: en vieillissant, c'est mon sexe que j'ai d'abord perdu, puis mes mains, puis mes bras. Je sens monter en moi les brouillards froids de la démence. C'est ma tête maintenant qui vascille, comme celle d'une poupée de son dans les mains d'un enfant capricieux. Elle s'en ira rouler dans la poussière dont elle aurait bien pu ne sortir jamais. Elle se brisera sur un roc, peut-être. Plus probablement s'effritera lentement, au gré des saisons changeantes comme les hommes. A quoi pensez-vous donc, belles statues de ma mémoire, torses couchés dans l'herbe, gagnés par les lichens, lentement digérés par la terre impavide? Et quand, arrachées à votre sommeil de pierre par quelque prince éclairé, quelque érudit fébrile, un caprice vous expose sur un socle à la curiosité des hommes, ainsi qu'à leur ennui? Allongé face au ciel, harassé, innocent, j'attends la fin des siècles, caressé par le vent sous un monde infini de nuages, je rêve que le Tibre m'emporte vers la mer qui sait tout oublier, jusqu'aux frontières du monde.

Stéphane Audeguy, Rom@ (Gallimard, 2011)

image: La Bocca della Verita, Rome

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |