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20/01/2015

Morceau choisis - Pablo Neruda

Pablo Neruda

Edouard Boubat.jpg

Tu peux m'ôter le pain,
m'ôter l'air, si tu veux:
ne m'ôte pas ton rire.
 
Ne m'ôte pas la rose,
le fer que tu égrènes
ni l'eau qui brusquement
éclate dans ta joie
ni la vague d'argent
qui déferle de toi.
 
De ma lutte si dure
je rentre les yeux las
quelquefois d'avoir vu
la terre qui ne change
mais, dès le seuil, ton rire
monte au ciel, me cherchant
et ouvrant pour moi toutes
les portes de la vie.
 
A l'heure la plus sombre
égrène, mon amour,
ton rire, et si tu vois
mon sang tacher soudain
les pierres de la rue,
ris: aussitôt ton rire
se fera pou mes mains
fraîche lame d'épée.
 
Dans l'automne marin
fais que ton rire dresse
sa cascade d'écume,
et au printemps, amour,
que ton rire soit comme
la fleur que j'attendais,
la fleur guède, la rose
de mon pays sonore.
 
Moque-toi de la nuit,
du jour et de la lune,
moque-toi de ces rues
divagantes de l'île,
moque-toi de cet homme
amoureux maladroit,
mais lorsque j'ouvre, moi,
les yeux ou les referme,
lorsque mes pas s'en vont,
lorsque mes pas s'en viennent,
refuse-moi le pain,
l'air, l'aube, le printemps,
mais ton rire jamais
car alors j'en mourrais.
 

Pablo Neruda, Les vers du capitaine - dans: Vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée (coll. Poésie/Gallimard, 1998)

traduit par Claude Couffon et Christian Rinderknecht

image: Edouard Boubat, Enfants de dos face vitrine, Paris 1948

00:36 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |